Elle et moi en boîte de nuit

~~Je l’ai remarquée tout de suite, dès que je suis entré dans la salle. Elle irradiait une sensualité magnétique, et tous les regards étaient tournés vers elle. Une déesse. Elle avait l’air d’avoir traversé l’espace-temps et de venir d’une dimension parallèle. Incroyable, surhumaine, divine.

Les muscles de son corps jouaient avec la lumière des projecteurs. Son corps ondulait, se balançant en rythme, inaccessible et envoûtant. Elle semblait être en transe, les yeux mi-clos, un sourire de jouissance aux lèvres. Personne ne dansait avec elle, mais tous les regards étaient sur elle. Je me surpris à étouffer un juron en dévisageant les hommes qui l’observaient avec un peu trop d’attention. Emportés par leurs fantasmes, ils remuaient aussi, mollement, hypnotisés par ses mouvements. Dieu, qu’elle était belle !

Irrésistiblement, j’étais, moi aussi attiré vers elle. En me rapprochant, mon esprit se flattait de trouver sa silhouette familière. Mais je n’aurais pu la croiser sans essayer de l’aborder , et j’aurais tout fait pour qu’elle entre dans mon carnet d’adresses. Bousculé par les autres danseurs, je me frayais un chemin jusqu’au centre de la piste où l’envoûteuse tenait tous les hommes sous son charme. Je reconnus d’abord ses cheveux, tressés en ce qui ressemblait à des locks lisses, des vanilles. Sa peau luisait de sueur… L’excitation me gagnait. En apercevant son visage, je reconnus sa bouche, son nez discret et ses pommettes hautes. Puis elle ouvrit les yeux, et son regard perdu balaya la salle... La femme de l’ascenseur ! Celle qui se cache derrière ses lunettes ringardes et qui ne se maquille pas, mais dont le corps parfait me braquait à chaque fois que je la croisais. Elle paraissait toujours surprise de me voir, comme si elle mon apparence la choquait. C’était elle, la femme bien faite au look de grand-mère. Je n’en croyais pas mes yeux.

Je mentirais en disant qu’après l’avoir reconnue, j’étais restée stoïque face elle. Tout mon corps criait vers elle, me poussait vers elle. J’avais envie qu’elle me remarque. Je dansais comme un pied, mais j’avais au moins le sens du rythme. J’avançais, je voulais tenter ma chance. Son regard voilé se posa sur moi, elle se réveilla de sa transe et me sourit. Je me rapprochai de cette lune ensorceleuse, fascinée par sa danse, sous son regard fixe. Est-ce qu’elle m’avait reconnu? Nos corps se touchèrent, se frôlèrent.

Il y avait encore une distance entre nous. Comment la franchir ? Je mis mes bras autour d’elle. Une chaleur nous irradia à moment, je le lus dans ses yeux. « Salut, l’homme de l’ascenseur », dit –elle à mon oreille. Mon corps la réclamait. Je lui souris et me détendis enfin ; elle serait à moi, désormais. Je ne savais pas si je lui plairais vraiment, avec mes yeux bridés et mon corps un peu enveloppé, mais elle m’avait reconnu et m’avait laissé l’enlacer. Nos corps se rapprochèrent davantage ; je trouvais qu’il faisait de plus en plus chaud.

Le lendemain, je la croisai dans l’ascenseur à la pause de midi. J’étais avec mes collègues, mais cette sorcière s’avança vers moi, défit ma cravate et le noua négligemment autour de son propre cou. Elle avait toujours cet air indifférent, mais nous n’en étions plus aux apparences. Je savais qu’à mon contact, loin des autres, elle se transformerait à nouveau. La journée risquait d’être trop longue jusque-là.

Kaybee